Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

La nuisette a toujours le dessus

Quand, à l’été 1779, Marie-Antoinette, à peine revenue de couches, se présente devant ses sujets vêtue d’une robe d’intérieur vaporeuse, c’est toute la cour qui s’enflamme. Il faut dire que la mode est aux toilettes richement décorées, que la reine, réputée frivole et dépensière, a jusqu’alors imposées. Pourtant, c’est débarrassée de ces lourds atours que l’Autrichienne aime à déambuler au cœur du domaine du Petit Trianon, son havre de paix champêtre à Versailles.
« Vivre en particulier loin de la pompe monarchique, échapper à la tyrannie de l’étiquette, abandonner les fastueux mais encombrants habits de cour pour “une robe de percale blanche, un fichu de gaze, un chapeau de paille” fait le bonheur de Marie-Antoinette », raconte l’historien Jean-François Solnon dans La Cour de France (Fayard, 1987).
Ladite robe de percale blanche est en réalité une robe dite « en gaulle », imaginée par Rose Bertin, sa ministre des modes. C’est dans un déshabillé similaire, dévoilant largement la poitrine et à peine serré à la taille, que la reine de France est d’ailleurs immortalisée en 1783 par la portraitiste Elisabeth Vigée Le Brun.
Si Marie-Antoinette l’a portée avec audace, la robe d’intérieur est restée longtemps cantonnée à la chambre à coucher. Au mitan du XXe siècle, elle remonte juste au-dessus des genoux, se décline dans un Nylon infroissable, prend le nom de nuisette, mais ne sort toujours pas du lit.
Elle gagne cependant en popularité grâce aux icônes d’Hollywood. Marilyn Monroe, dans Niagara (1953), puis Elizabeth Taylor, dans La Chatte sur un toit brûlant (1958) et La Vénus au vison (1960), font ainsi de la nuisette blanche un véritable symbole de sensualité.
Parce qu’elle reste le symbole d’une féminité somme toute très cliché, la nuisette se voit ensuite logiquement détournée par une génération avide de casser les codes. Lorsque, au cours des années 1990, Courtney Love et Madonna brisent l’image de la baby doll naïve en se réappropriant sur scène ses dessous satinés, les nouveaux mannequins en vogue Kate Moss et Cindy Crawford se mettent, elles, à la porter à la ville. La mode aussi s’en empare : Jean Paul Gaultier, passé maître dans l’art du dessus-dessous, ou Chantal Thomass, qui navigue entre lingerie et prêt-à-porter, la font défiler sur les podiums.
Vingt ans plus tard, Phoebe Philo, chez Celine, achevait de faire entrer la nuisette dans le vestiaire diurne, la débarrassant au passage de toute afféterie en la mariant à une paire de godillots. Depuis, la nuisette ne cesse de battre le pavé. Réchauffée d’un cardigan, d’un trench ou même d’une parka quand elle est portée à même la peau, elle se modernise une fois superposée à un tee-shirt immaculé ou portée par-dessus un pantalon. Loin de l’ultra-féminité qui a fait sa renommée, sans pour autant perdre en désirabilité.
Margaux Krehl
Contribuer

en_USEnglish